Tendances futures du marché spatial
Comment la transformation digitale et l’innovation disruptive modifient-elles les technologies d’amplification de puissance des satellites ?Ces dernières années, le secteur spatial est remis en cause dans ses fondements. La transformation digitale bouleverse le modèle économique de l’industrie satellitaire, créant de nouveaux besoins de connectivité à bas coût, pour les entreprises comme les particuliers. Toute la chaîne de valeur, à tous les niveaux, s’en trouve profondément modifiée. Par exemple, les constellations de satellites miniatures ou smallsats se sont imposées comme l’une des principales options pour les futurs systèmes de satellites en réponse aux besoins de connectivité haut débit. |
Évolution du marché
Pendant des dizaines d’années, le marché des télécommunications par satellite a été dominé par le modèle commercial de la location des répéteurs, avec pour principale utilisation la télédiffusion numérique, fondée sur des solutions géostationnaires. Les satellites embarquaient généralement des charges utiles multifaisceaux, avec une taille de faisceau permettant de couvrir des zones comme l’Europe de l’Ouest, l’Asie orientale ou les États-Unis continentaux, voire davantage. La plupart travaillaient en bande C ou Ku, et, puisque la télédiffusion était le principal service visé, les transmissions bidirectionnelles étaient rarement nécessaires. |
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S’agissant des amplificateurs RF, la tendance était de proposer des appareils toujours plus puissants, plus performants, adaptés à un plus haut débit. La principale technique d’amplification était et continue d’être basée sur les TOP (tubes à ondes progressives), seule technologie capable d’offrir en large bande (20 % en bande Ku) une forte puissance, de l’ordre de 100-150 W, doublée d’un rendement élevé (plus de 65 % à saturation). Bien sûr, certains amplificateurs servaient en back-off en fonctionnement multiporteuses (en VSAT par exemple), mais la plupart étaient utilisés près de la zone de saturation avec une fréquence porteuse unique de 36 MHz, portant une dizaine, voire une vingtaine de chaînes télévisées en résolution standard. | |
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La situation a commencé à changer au milieu des années 2000, avec le lancement des premiers satellites haut débit (HTS) comme ANIK F2, WILDBLUE et IPSTAR. On évoluait vers un meilleur débit de données, et une offre satellitaire capable le cas échéant de concurrencer les réseaux Internet terrestres. L’enjeu n’était plus de télédiffuser les mêmes chaînes de télévision sur une large zone, mais d’offrir à chaque utilisateur connecté au satellite un débit adapté : 2 Mbit/s, 10 Mbit/s, 30 Mbit/s et désormais 50 Mbit/s à des prix compétitifs. Et bien entendu, la transmission bidirectionnelle est la règle. La seule solution était de concevoir des satellites pensés comme des nœuds très haut débit, de 10 Gbit/s en 2005 à 100 Gbit/s en 2011, 300 Gbit/s en 2017 et peut-être 1 Tbit/s dans un futur proche. | |
Pour cela, la meilleure méthode consiste à augmenter drastiquement le nombre de faisceaux, tout en conservant la même couverture globale (ce qui implique de recourir à des faisceaux toujours plus petits : 700 km, 300 km, bientôt 150 km), et en augmentant la largeur de bande attribuée et l’efficacité d’utilisation du spectre (autrement dit le nombre de Mbit/s par MHz alloué). Le problème de la largeur de bande a été réglé par le recours massif aux fréquences de la bande Ka (entre 17,2 et 21,2 GHz) et l’augmentation du nombre de faisceaux (plusieurs centaines contre 5-10 pour les satellites des générations précédentes), ce qui a favorisé l’apparition d’architectures satellitaires radicalement nouvelles. |
Nouvelles architectures
L’architecture haut débit partage la largeur de bande allouée entre des liaisons aller (de la station de communication terrestre ou gateway à l’utilisateur) et retour (utilisateur à gateway). Pour garantir une couverture intégrale à l’aide des faisceaux, le système d’antennes se compose de quatre réflecteurs, chacun couvrant un quart de la largeur de bande globale (c’est-à-dire une moitié de la largeur de bande analogique + une polarisation). Cette architecture présente toutefois quelques inconvénients, comme la difficulté de produire des faisceaux très étroits (une taille de faisceau de 100 km nécessite quatre réflecteurs de cinq mètres), ou l’impossibilité d’atteindre une bonne efficacité d’utilisation du spectre en raison d’un rapport signal/interférence médiocre. C’est pourquoi apparaissent des architectures disruptives, comme les antennes à commande de phase (matrice de sources d’alimentation ou feeders contrôlée par un réseau de formation de faisceau), capables d’alimenter un réflecteur unique ou de rayonner directement vers l’espace sans réflecteur additionnel (Direct Radiating Antenna). Ces nouvelles architectures, appelées aussi Multi-Feed per Beam (MFB), ont des répercussions importantes sur les composants de puissance RF. Bien sûr ces nouveaux concepts sont bien adaptés aux satellites (très) haut débit, mais ils peuvent être moins intéressants pour les missions embarquant des charges utiles plus traditionnelles : ainsi devant la multiplication des concepts, nous cherchons à répondre à de nombreux impératifs spécifiques en matière de génération de puissance. Pour résumer, les services de connectivité ne sont pas nouveaux, et l’essentiel de ces services s’appuie aujourd’hui sur des satellites géostationnaires. |
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Pour ajouter à la complexité (et au devoir de vigilance des investisseurs), les solutions GEO sont désormais concurrencées par les constellations en orbite basse. On débat beaucoup des avantages et des inconvénients de ces solutions en termes de couverture et de retour sur investissement, y compris de la complexité et du coût du segment sol pour les utilisateurs qui devront installer sur leur toit des antennes multifaisceaux orientables. Mais du moins les constellations en orbite basse (LEO) permettent-elles une réduction spectaculaire du temps d’aller-retour du signal, qui de 240 ms en GEO tombe à moins de 20 ms en LEO, ce qui convient pour une intégration des satellites aux réseaux 4G et 5G, dont les protocoles requièrent de très faibles latences (20 ms en 4G). |
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Un système de connectivité fondé sur une constellation de satellites et capable de fournir ses services via l’infrastructure télécom 4G/5G existante, et directement aux appareils mobiles/cellulaires, voilà qui n’existe pas encore sur le segment de la connectivité grand public. La solution pourrait passer par une constellation de satellites en LEO/MEO avec dans certains cas des liaisons intersatellites, assurant des services de connectivité ininterrompus quel que soit le satellite avec lequel l’utilisateur est connecté. |
Bandes Ka et Q
Depuis au moins trente ans, le marché des satellites se satisfaisait des deux bandes allouées aux communications par satellite par les organismes de réglementation nationaux et internationaux : la bande C et la bande Ku. Mais depuis le début des années 2000, dans certaines régions (en particulier au-dessus des États-Unis), les bandes Ku et C sont saturées et il a été nécessaire d’attribuer aux télécommunications par satellite une nouvelle bande de fréquence : la bande Ka. | |
Sa particularité est sa grande largeur de bande (2,9 GHz, sans compter la bande dédiée aux usages militaires), ce qui suscite des exigences spécifiques pour les amplificateurs. La réglementation encadrant l’utilisation de la bande Ka est très complexe, seule une partie de cette bande étant allouée aux faisceaux utilisateurs à l’échelle mondiale sans risque d’interférence. Le reste de la bande Ka dépend des organismes de réglementation locaux et peut être partagé avec d’autres applications. Il sert essentiellement aux connexions des gateways. | |
Compte tenu de la forte pression exercée en faveur de l’attribution de nouvelles fréquences, une plus grande partie de la bande Ka a été allouée aux faisceaux utilisateurs, aux dépens des gateways, qui vont devoir trouver ailleurs d’autres fréquences disponibles : d’où l’émergence de la bande Q. |
Besoins de puissance
Les besoins de puissance RF découlent de ces évolutions : lorsqu’on utilisait seulement les bandes C et Ku, les amplificateurs travaillaient souvent près de la saturation (où ils bénéficient d’un rendement plus élevé), avec une bande passante limitée (36 MHz) et à puissance moyenne (60-80 W en bande C, 100-140 W en bande Ku). Mais la situation a beaucoup changé : la bande Ka est aujourd’hui utilisée dans son intégralité et représente une part de marché importante, la bande Q a fait son apparition, et des besoins nouveaux se font jour en bande L et S, en particulier pour la navigation et la radiodiffusion. | |
Du point de vue de la saturation des amplificateurs, les effets sont contradictoires : d’un côté, amplifier des bandes de fréquence plus larges et travailler en back-off, c’est-à-dire avec un recul de puissance, pour garantir une bonne linéarité de l’amplification en multiporteuses souligne le besoin de saturations plus fortes. De l’autre, les tailles de faisceau de plus en plus petites réduisent la puissance RF nécessaire par faisceau. Ainsi, les impératifs de puissance s’inscrivent entre 30 W et 300 W à saturation, de la bande L à la bande Ka. Sachant que les technologies d’amplification (TOP ou amplificateurs de puissance à l’état solide SSPA) ont une flexibilité de puissance limitée (2 à 3 dB), cet écart de 10 dB doit être pris en charge par au moins 4 à 5 appareils différents, pour chaque fréquence. |
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Rendement et bande passante
Avec les nouvelles architectures, la donne a changé, pour de nombreuses raisons : en premier lieu, la largeur de bande allouée augmente avec les satellites haut débit, ou est découpée en sous-bandes réparties sur 2,5 GHz voire 2,9 GHz en bande Ka. Deuxièmement, les amplificateurs fonctionnent en mode multiporteuses et la bande passante instantanée doit être importante. Cette contrainte est encore augmentée lorsqu’on utilise des architectures innovantes comme les amplificateurs multiports ou les réseaux à commande de phase. Aujourd’hui, les amplificateurs à TOP (ATOP) sont conçus pour traiter toute la bande de fréquence (2 GHz en bande Ku, 2,9 GHz en bande Ka).
Le rendement est l’impératif le plus contraignant pour les amplificateurs de puissance. On comprend aisément pourquoi, puisque environ 80 % de la puissance habituelle en CC d’une charge utile sont alloués aux amplificateurs de puissance (ce pourcentage baisse quand on embarque un processeur numérique, mais cela renforce la pression exercée sur le rendement électrique). Il ne faut pas oublier qu’améliorer le rendement ne réduit pas seulement la puissance primaire requise des cellules solaires ; cela réduit aussi et peut-être surtout les contraintes de dissipation d’une plate-forme, pour laquelle le rayonnement thermique dans l’espace est la seule façon d’évacuer l’excès de chaleur.
Le rendement du conditionneur électronique de puissance (EPC) se situe généralement entre 93 et 95 %, ainsi la principale contrainte pèse-t-elle directement sur l’amplificateur. Depuis longtemps (et aujourd’hui encore), on spécifiait le rendement des TOP à saturation, sachant que beaucoup d’entre eux étaient effectivement utilisés dans une configuration proche de ce niveau. De grandes avancées ont été réalisées pour les TOP au cours des dernières décennies. Leur rendement à saturation est passé de 50 % dans les années 1980 à 70 % actuellement. Il reste une marge de progression (certains appareils atteignent déjà 75 %) et l’objectif de 80 % devrait être réalisable.
Mais le rendement à saturation ne fait pas tout, puisque de plus en plus d’amplificateurs sont utilisés en multiporteuses. C’est au nouveau point de fonctionnement, c’est-à-dire en back-off, avec un recul de puissance, que le rendement doit désormais être optimisé (le fonctionnement en back-off est nécessaire en mode multiporteuses pour garantir le niveau de linéarité voulu). Bien sûr, la première exigence est d’avoir un recul de puissance aussi faible que possible, aussi la plupart des amplificateurs utilisés dans l’espace sont-ils linéarisés.
La flexibilité de bande passante est la capacité pour l’opérateur de satellites d’adapter le débit numérique par faisceau au besoin réel des utilisateurs. Elle impose, en ce qui concerne l’amplification, d’être capable de modifier la puissance d’entrée avec un impact mineur sur le rendement de l’amplificateur. Deux technologies sont disponibles actuellement, en fonction du niveau de modulation de puissance requis. En-dessous de 3 dB, les ATOP flexibles peuvent être une solution, le point de saturation du TOP étant réglé à distance depuis le sol par l’opérateur. Pour plus de souplesse, des amplificateurs multiports (MPA) sont également proposés sur le marché. Ils utilisent des TOP à large bande fonctionnant en back-off.
La flexibilité de couverture est un sujet complexe, nécessitant des architectures d’antennes avancées, ainsi que des solutions numériques de formation de faisceau. Ces technologies sont proposées aujourd’hui par les fabricants de satellites. S’agissant des amplificateurs, une gamme de performance plus étendue doit être disponible, en particulier au regard de la puissance (de 10 W à 300 W à saturation), en large bande, avec une pression accrue sur l’intégration afin de respecter la distance entre les alimentations d’antenne. Les ATOP sont une des solutions, ainsi que les amplificateurs état solide pour les basses puissances. Bien entendu, le rendement électrique reste le principal facteur à traiter pour les concepteurs.
Pendant de nombreuses années, l’amélioration du rendement en OBO (avec recul en puissance de sortie) a accompagné celle du rendement à saturation, mais avec les nouvelles conceptions de collecteurs à plusieurs étages, il est à présent possible d’améliorer le rendement des TOP à un OBO de 2 à 4 dB, et Thales a obtenu des gains très importants ces dernières années, en améliorant le rendement de près de 8 % (de 42 à 50 %) à un OBO de 3dB. Cela a une incidence considérable sur le rendement global des charges utiles haut débit.
Flexibilité
La flexibilité est le nouveau credo des concepteurs de charges utiles satellitaires. Alors qu’elle n’est pas indispensable pour la télédiffusion, elle l’est de plus en plus pour les communications de données, afin d’optimiser le taux de remplissage et le retour sur investissement. Par flexibilité, on entend flexibilité en termes de spectre, de bande passante et de couverture. La flexibilité spectrale est rendue possible par l’existence d’amplificateurs à large bande. Dans les années 2000, la plupart des amplificateurs à TOP en bande Ku et Ka étaient conçus et réglés pour ne traiter qu’une portion limitée du spectre disponible : généralement entre 0,5 et 1 GHz. Depuis, des appareils à large bande obtenant des réponses plus plates ont été proposées sur le marché, avec 2 GHz en bande Ku et 2,9 GHz en bande Ka. | |
La flexibilité de bande passante est la capacité pour l’opérateur de satellites d’adapter le débit numérique par faisceau au besoin réel des utilisateurs. Elle impose, en ce qui concerne l’amplification, d’être capable de modifier la puissance d’entrée avec un impact mineur sur le rendement de l’amplificateur. | |
Deux technologies sont disponibles actuellement, en fonction du niveau de modulation de puissance requis. En-dessous de 3 dB, les ATOP flexibles peuvent être une solution, le point de saturation du TOP étant réglé à distance depuis le sol par l’opérateur. Pour plus de souplesse, des amplificateurs multiports (MPA) sont également proposés sur le marché. Ils utilisent des TOP à large bande fonctionnant en back-off. | |
La flexibilité de couverture est un sujet complexe, nécessitant des architectures d’antennes avancées, ainsi que des solutions numériques de formation de faisceau. Ces technologies sont proposées aujourd’hui par les fabricants de satellites. S’agissant des amplificateurs, une gamme de performance plus étendue doit être disponible, en particulier au regard de la puissance (de 10 W à 300 W à saturation), en large bande, avec une pression accrue sur l’intégration afin de respecter la distance entre les alimentations d’antenne. Les ATOP sont une des solutions, ainsi que les amplificateurs état solide pour les basses puissances. Bien entendu, le rendement électrique reste le principal facteur à traiter pour les concepteurs. |
Stratégie de Thales MIS : nouvelles bandes, rendement, amplificateurs état solideLa stratégie de Thales Microwave & Imaging Sub-Systems (MIS) consiste à être un important fournisseur de solutions fiables d’amplification de puissance RF au secteur spatial, en partenariat avec d’autres grands fournisseurs d’électronique. Proposer des amplificateurs large bande est un objectif déjà atteint, et l’amélioration du rendement reste le principe clé de notre feuille de route, quelles que soient la technologie et la gamme de fréquence. |
À propos de Thales Microwave & Imaging Sub-SystemsThales est le principal fournisseur de tubes à ondes progressives (TOP) pour satellites et autres véhicules spatiaux dans le monde. Nos TOP sont utilisés sur des satellites couvrant l’ensemble des applications civiles et militaires, y compris les télé- et radiodiffusions, la transmission de données, les télécommunications, Internet, l’observation et la navigation.Thales Microwave & Imaging Sub-Systems compte deux sites de production d’envergure mondiale, consacrés aux TOP spatiaux. Situés à Velizy (France) et Ulm (Allemagne), ces centres sont certifiés ISO 9001, AS 9100, AQAP2110, ISO 14001, OSHAS 18001. Grâce à eux, Thales présente une capacité de production cumulée supérieure à 150 TOP spatiaux par mois. Chaque site dispose d’un personnel ultra-qualifié et de l’équipement spécialisé nécessaire pour livrer dans les délais les TOP spatiaux de pointe Thales. Nos TOP constituent une référence mondiale au regard de la fiabilité et de la performance des applications spatiales. |