Sous les projecteurs

ASCEND : une nouvelle alternative aux data centers terrestres

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ASCEND : une nouvelle alternative aux data centers terrestres

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    2023 aura été l’année la plus chaude de tous les temps, comme ce fut le cas les années précédentes. Si la planète se réchauffe inexorablement, l’on assiste à une multiplication des phénomènes climatiques extrêmes, tels que les typhons, tempêtes, incendies… La façade ouest de la France aura payé un lourd tribu, suite au passage de la tempête Ciaran au mois d’octobre. Le développement des activités humaines est mis en cause dans un contexte de digitalisation croissante qui nuit, par ses infrastructures et son fonctionnement, à l’équilibre climatique. Tandis que l’empreinte environnementale du digital devient un enjeu d’avenir majeur, les regards se tournent vers l’espace en quête d’une alternative pérenne.

    Nous avons rencontré Damien DUMESTIER, responsable de l’étude de faisabilité ASCEND chez Thales Alenia Space.

    Pouvez-vous nous présenter le projet ASCEND ?

    Le projet ASCEND (Advanced Space Cloud for European Net zero emission and Data sovereignty), a pour ambition d’étudier la faisabilité technique et environnementale de la création de data centers spatiaux, dans le but de potentiellement réduire l’impact du traitement et du stockage des données sur l’environnement. Le projet est mené pour la Commission européenne et s’inscrit dans le cadre du programme Horizon Europe, le programme-cadre de l’Union Européenne pour la recherche et l’innovation sur la période allant de 2021 à 2027.

    L’étude de faisabilité en cours nous permettra, à terme, d’établir les possibles intérêts et avantages de cette installation et de nous positionner sur sa pertinence. Dans le cadre de cette étude, Thales Alenia Space coordonne depuis janvier 2023 un consortium de 11 partenaires, dont des sociétés spécialisées dans l’analyse des impacts environnementaux. Un tel projet novateur repose sur la collaboration étroite entre les différents partenaires du consortium, dont les expertises sont parfaitement complémentaires.

    Dans quelle mesure s’agit-il d’une solution répondant aux enjeux contemporains de la lutte contre le réchauffement climatique ?

    ASCEND

    ASCEND © Thales Alenia Space

    Avec le besoin croissant de digitalisation, le nombre de data centers croît en Europe et à travers le monde. L’impact énergétique et environnemental lié est loin d’être négligeable, aggravant la pollution digitale.

    L’objectif premier de l’étude est de déterminer si l’impact environnemental de la production et du lancement des data centers spatiaux peut être significativement inférieur à celui des data centers terrestres. En nous concentrant en premier lieu sur le bilan carbone des data centers terrestres européens, nous avons pu établir que leur consommation représenterait d’ici 2030 un total de 20 millions de tonnes équivalent CO2 par an. Grâce à ces informations, nous savons quel seuil ne doit pas dépasser le bilan carbone des data centers spatiaux. A terme, ASCEND a pour but de réduire de manière significative l’impact des data centers, en visant une puissance de 10TWh pour décharger de 10% les besoins des centres de données terrestres.

    Selon nos premières études, ce projet pourrait présenter des bénéfices sur d’autres aspects environnementaux. Par exemple, la consommation d’eau des data centers serait fortement réduite. C’est un enjeu crucial lorsque l’on sait qu’actuellement plusieurs dizaines de millions de litres sont nécessaires, chaque année, au refroidissement des data centers terrestres. Dans un contexte où les périodes de sécheresse se multiplient, trouver une alternative est donc primordial. L’espace offre cette solution : la température permet de rafraîchir la structure et ses systèmes sans utiliser d’énergie ou de ressources supplémentaires.

    Quels sont les défis liés à la matérialisation du projet ASCEND en orbite?

    Le principal défi du projet ASCEND est de trouver une architecture répondant à un besoin applicatif de data center tout en ayant un impact significatif sur la réduction de l’empreinte environnementale et sur la consommation d’énergie en Europe. Nous étudions donc des architectures permettant de bénéficier du facteur d’échelle et d’optimiser la structure. Une capacité de 10MW par Space Data Center est envisagée, ce qui représenterait une surface de panneaux solaires d’environ 35 000 m2. A titre de comparaison, la station spatiale internationale a une surface équivalente de 7 500m2.

    Les modules à déployer en orbite seront par conséquent plus volumineux, représentant de lourdes charges. Les lanceurs sont actuellement au cœur de nos réflexions : nous devons nous assurer que le développement d’une solution de lancement adaptée est possible et veiller à ce que la structure globale soit la plus légère possible afin de limiter au maximum l’impact carbone des lancements. L’optimisation des charges des lanceurs, en termes de poids et de volume, sera également un enjeu central.

    Ce projet représente une opportunité de premier plan pour l’Union Européenne et pourrait contribuer à l’objectif Green Deal de neutralité carbone 2050. Il constituerait un développement sans précédent de l’écosystème du spatial et du digital européen.

    Pensez-vous qu’il pourrait s’agir d’une solution amenée à se développer?

    Ce sont des projets comme celui-ci qui peuvent à la fois révolutionner les technologies spatiales et contribuer à la réduction de l’empreinte environnementale du digital . Je pense que l’espace est une composante essentielle de l’avenir : les possibilités qu’il offre sont multiples et peuvent nous aider à trouver des solutions complémentaires aux infrastructures terrestres. Il constitue un atout sans précédent pour mieux gérer l’équilibre précaire entre le développement des activités humaines et la préservation de l’environnement.

    Les résultats de l’étude de faisabilité ASCEND sont attendus pour le mois d’avril 2024.